à corps ouvert

Tout le monde reconnaîtra ces quelques vers de Molière, extraits de Tartuffe ou l’imposteur, comédie de 1669 :

« Couvrez ce sein, que je ne saurais voir.

Par de pareils objets les âmes sont blessées.

Et cela fait venir de coupables pensées ».

C’est à peine croyable mais plus de 350 ans plus tard, il semblerait que ces mots soient restés ancrés dans nos sociétés occidentales, et résonnent au plus fort dans les méandres des algorithmes des médias sociaux.

Bâillonné par les diktats d’une société qui est devenue étrangère à elle-même, le corps dans sa forme la plus pure est rejeté – le corps dans sa nudité est censuré.

Il ne s’agit cependant pas là d’une nudité quelconque, mais bien particulièrement de celle qui s’accorde au féminin. À la manière des dévots du XVIIème siècle, nombreux sont encore ceux qui fuient du regard les formes féminines dénudées et établissent des règles insensées…

*

Acte I – juin 2016. La censure sur les réseaux sociaux destinés au grand public est une affaire qui se corse avec l’apparition d’un nouvel algorithme Instagram, permettant aux utilisateurs de voir davantage de contenus susceptibles de les intéresser. Une aubaine ? Pas vraiment. En réalité, ce nouveau code est plutôt un moyen pour le réseau social d’empocher des milliards de dollars… Avec un despotisme absolu, maîtrisant quand, comment, et quel contenu apparaîtra dans les fils d’actualité, facile de glisser des publicités rapportant des sommes d’argent incommensurables… tout comme l’on ferait partir une lettre à la poste ! Avec l’arrivée de ce nouveau régime, le temps des découvertes dans l’ordre chronologique des publications est révolu et la visibilité des posts chute comme jamais auparavant !

Acte II – le coup de massue. Alors qu’Instagram s’enflamme et bat tous les records, son règlement d’origine stipulant l’interdiction de poster du contenu affichant les parties génitales du corps humain, la violence ou les relations intimes se durcit fermement. En soi, la décision est tout à fait cohérente, entendable et juste, compte tenu du caractère universel de la plateforme. En revanche, son application complètement corrompue laisse à désirer, voire remet en question le véritable bien-fondé de ces nouvelles restrictions !

La censure du corps et de ses attributs – féminins essentiellement – ne date pas d’hier… À partir de la fin du Moyen-Âge, le travail évolue et les activités de capital prennent une valeur démesurée, laissant la vie de la chair méprisée. Ce tournant a condamné la nature, la vie, ses douceurs et ses allégresses, au profit d’une société en recherche constante de rentabilité matérielle. Avec ce mouvement, c’est la liberté de l’Homme qui disparaît peu à peu, c’est sa capacité à agir selon son ressenti, à écouter les battements de son corps et les palpitations de son cœur qui s’anéantit – c’est une forme d’auto-annihilation qui arrache, morceau par morceau, les parcelles d’humanité qui le constituent. Alors un nouveau monde s’est créé. Les sociétés ont continué à s’inscrire dans ce modèle, jusqu’à être modelées par lui.

Et c’est dans ce nouveau monde que le corps féminin (surtout) et ses attraits est devenu objet. C’est dans ce monde de business men en quête de profits que l’esthétique d’une société patriarcale s’est construite et a évincé tout le reste.

C’est avec la naissance de ce monde que le règne du male gaze a commencé – ce regard qui réduit la femme à des morceaux de corps. Et puis les pratiques prohibées se sont multipliées et renforcées, à commencer par la censure des tétons féminins sur les réseaux sociaux, laissant à contrario libre d’exister ceux des hommes…

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Ce renforcement des règles de publication sur les réseaux vient soulever une problématique bien plus profonde que les textes de surface – celle de la sexualisation du corps lui-même.

Mais une image, en tant que telle, exposant une partie ou un corps dénudé n’est pas suggestive ; c’est ce que l’on a férocement habitué les yeux à voir à travers la chair qui rend ses représentations évocatrices. Ainsi, l’essence du problème n’est pas le corps lui-même, mais la sexualisation qu’il subit et le punit dans sa propre existence.

Ce regard pervers porté sur le corps humain est inquiétant. Et plus encore, il est le reflet d’une cruelle vérité qui perdure : ce monde est un monde d’hommes.

Aujourd’hui, le moindre centimètre de peau sur une photo peut être considéré comme aguicheur par les algorithmes d’Instagram, et très vite dresser un shadowban sur un compte. Conséquence : la portée des publications chute en-dessous de la barre des 10%. Alors il est vrai qu’il n’est pas interdit de publier un nu sur les réseaux sociaux, mais beaucoup d’images doivent être censurées pour cacher ‘la nature’, et puis la visibilité qui leur est accordée par de simples codes informatiques est si infime, qu’il s’agit déjà là d’une première forme de censure. En laissant une application juger de ce qui est ‘approprié’ et de ce qui ne l’est pas, de décider ce qui est art et ce qui est pornographie, les géants des réseaux sociaux restreignent la forme féminine et la nudité à une sphère très privée, parce que – selon eux – elle est fatalement sexualisée.

La nudité devient alors acceptable seulement si des suites de chiffres et de symboles en ont convenu ainsi. Mais si c’était si simple et si absolu, pourquoi des comptes de photographes ont été désactivés, supprimés, ou restreints pour avoir partagé des nus artistiques ? Pourquoi eux alors que tant de comptes à caractère franchement érotique et réifiant la femme passent à travers les mailles du filet et restent impunis ? Comment peut-on encore recevoir des hordes de messages d’hommes envoyant des photos de leurs parties intimes si tout est si méticuleusement passé sous radar ? Et comment est-il possible de laisser circuler des images de femmes nues, couvertes par presque rien, et ouvertement suggestives, alors qu’une photographie, révélant un dos nu ou un ventre maquillé, est automatiquement censurée ? Pourquoi ces laissez-passer ? Pourquoi certains et pas d’autres ? Parce que bien souvent, ces autres profils ont à leur compteur des millions d’abonnés qui rapportent bien trop à Instagram & Co. pour risquer de s’attirer leurs foudres et les rejeter du réseau.

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Et la censure ne s’arrête pas aux médias sociaux. Internet regorge de plateformes où la femme et le corps en général est sexualisé et réifié… Comment ne fait-on pas encore la différence entre pornographie et photographie artistique ? Pourquoi nos sociétés occidentales continuent-elles d’autoriser et de véhiculer une image ‘objet’ du corps humain et dans le même temps en censure une autre pleinement créative ?

Toutes ces formes d’interdits freinent énormément le partage d’expressions artistiques de la nudité, et accueillent la suprématie des leaders de la pornographie et la diffusion massive de corps codifiés et d’une sexualité normative, présentant une seule image de la féminité pour dire ce qui est désirable.

Tristement, les conséquences de ce modèle n’affectent pas seulement les réseaux sociaux mais nos sociétés en leur cœur. La sexualisation et la censure du corps féminin, en ligne ou hors ligne, vient nourrir le fonctionnement actuel des communautés, alimenter le regard pervers inculqué par le patriarcat, voire adoucir les traits de certains crimes reléguant les victimes au silence et sauvant plus d’un de leurs perpétrateurs. 

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Dans ce monde habité par la censure, il est aujourd’hui plus que précieux de revenir à notre essentiel, de retrouver notre essence même, de renouer avec notre corps, d’abattre les normes qui l’enchaînent, et de purifier les relations intimes. Il est indispensable de bannir les injonctions qui dictent que seuls les corps suivant l’esthétique établie auraient le droit d’exister de toute leur chair – d’être désirés, de frémir et de faire scintiller leur peau et leur cœur.

Après avoir passé des années à détester mon corps, à le blâmer pour les abus qui lui ont été infligés, j’ai commencé à utiliser la photographie comme remède. Pour accepter ma chair, pour célébrer mon corps, pour me libérer de tous les torts qui lui ont été causés. Et très vite, mon appareil est devenu mon outil d’émancipation et de libération – de mon passé et de son poids. Grâce à ce petit boîtier, je capture et redécouvre les lignes, les courbes, la peau, je ré-apprivoise mes seins et le nid de mon intimité. Et je lutte aussi… je lutte contre tous les diktats qui pèsent toujours et tous les jours – les édits de beauté, de conformité et d’une soi-disant certaine bienséance.

En son temps, Victor Hugo s’exclamait, « tout sur terre est refus : la nudité, c’est Oui, c’est la voluptueuse et sombre hardiesse de la femme osant effrontément être déesse ». Et cette audace est nécessaire pour le monde, mais avant tout pour soi. Pour s’affranchir des fausses règles et se retrouver dans son existence, dans toute sa nature incarnée. Aujourd’hui, on associe le corps nu à de la honte, de la pudeur, ou de l’émoi – comme si la normalisation de la pornographie avait rendu inapproprié la nudité naturelle. Alors pas de surprise face à tous ces maux d’être qui s’expriment et ceux qui restent encore silencieux…

À présent, pour avancer, il faut tout recommencer. Tout réapprendre. Tout redécouvrir. Se déshabiller soi, comme pour la première fois, et se réconcilier avec ce que l’on voit. Ressentir tout son corps et tout ce qu’il perçoit, accueillir sa vulnérabilité et ses sensibilités. Et puis se lier à tout ce qui l’entoure – l’air qui le frôle, l’eau qui s’écoule et le caresse, le soleil qui le brûle, et les rencontres qui le touchent… S’ouvrir à elles et se lier à l’autre.

C’est une évidence et pourtant la relation n’est pas toujours exprimée – le rapport au corps est intrinsèquement relié à la vie intime et la sexualité…

Comment s’abandonner à soi en légèreté et à l’autre avec confiance si l’âme et le corps sont dissociés, si la peau est une gêne, et si le cœur se malmène ? Comment laisser vibrer la vie à travers la chair ? Comment faire parler toutes ses émotions à chacun de ses frémissements ? Comment consentir à se laisser consommer par les flammes de l’envie et du désir si le malaise nous retient ? Comment dépasser ces normes qui incombent pour renouer avec soi et s’unir à l’autre dans un moment qui dépasse tout ? Comment pleinement s’émerveiller de la magie du vivant ? En somme, comment s’ouvrir à l’intimité dans un monde galvaudé par l’hypersexualisation des corps ?

*

Pour avancer, pour panser mes blessures, j’ai commencé à me photographier. À me faire sujet de mes clichés. J’ai tout recommencé. Tout redécouvert. Tout repris à zéro. Je suis rentrée en moi presque malgré moi, je me suis laissée être seule avec mes combats. J’ai mené des batailles, en ai perdu mais gagné davantage. Et image après image, je retrouve mon corps, le redécouvre – ses lignes, ses courbes, toutes ses formes, ses particularités et son authenticité. Et je le laisse fusionner avec mon existence, et ma présence partout et n’importe quand… Et puis j’apprends mon intimité aussi, et comment l’apaiser. Comment renouer, reprendre le pouvoir, et redevenir désirable – pour moi d’abord. Comment lutter contre l’image de la femme réifiée qui nourrit les politiques de beauté et la manne financière qui impose de s’épiler, se maquiller, s’amincir ou se rembourrer. J’apprends à m’accepter et à me laisser du temps. Pour guérir et repartir le cœur vaillant, l’âme protégée, et le corps à nouveau aimé.

Par le biais de l’autoportrait, je capture ma chair incarnée. Non pas pour séduire, aguicher, provoquer, ou encore par pur narcissisme comme certains le pensent. Mais pour me soigner. Pour reprendre possession d’un corps agressé par le passé. Pour me libérer des normes de beauté, m’affranchir des tabous liés au corps et à la sexualité. Et enfin décider de ce que je montre, à qui, quand et comment. J’ai grandi entourée de figures masculines, qui me dictaient depuis petite ce qu’il était acceptable d’exposer, de dire et de faire – en tant que fille et en tant que femme. Et puis un jour, pas si lointain de ce jour aujourd’hui, je me suis libérée de leur autorité pour enfin décider de ce qui était acceptable pour moi, et fixer mes propres règles. La photographie me permet d’effacer les limites et les codes imposés par la société. De prôner le female gaze, qui n’est pas l’opposé du male gaze, mais un regard levant enfin le voile sur toute la beauté que l’on veut cacher, sur les frémissements de la vie et l’émerveillement des liens tissés, sur le corps en mouvement et le retour à la naturalité. De proposer des images où le corps n’est plus un objet mais un sujet à célébrer. La photographie me permet d’imprimer le corps habité et l’intimité. D’immortaliser les moments brûlant d’existence, et toutes les revendications de vie et de liberté.


• English version below •


open-body


Everyone will recognise these few verses written by Molière, extracted from Tartuffe or, the hypocrite aka the imposter, a comedy of 1669:

“Cover up that bosom, which I can’t   

Endure to look on. Things like that offend      

Our souls, and fill our minds with sinful thoughts.”

It is barely believable but over 350 years later, it seems these words have remained anchored in the western world and resonate the loudest in the windings of social media’s algorithms. 

Gagged by the diktats of a society that’s become a stranger to itself, the human body in its purest form is rejected – nudity is censored.

However, this is not a matter of just any nakedness, but well and truly the feminine form of it. Like the seventeenth-century pious people, many are those who still have shifty eyes before an uncovered female body and implement senseless rules thereafter…

*

Act I – June 2016. Censorship on mainstream social media is a case that got complicated with the appearance of the new Instagram algorithm, allowing users to see more content likely to be to their taste and of interest. Was that a bargain? Not really. In fact, this new code is rather a way for the social network to rake in billions of dollars… With an absolute despotism, being in command of when, how and what content will come up in the newsfeeds, it’s easy to squeeze in ads that make tons of money… as easy as it is to send a letter by post! With the outbreak of this new regime, the time when one would discover posts in their chronological order of posting is truly over, and the reach of such posts fell like never before!

Act II – hammer blow. As Instagram gets more and more popular and breaks all records, its original guidelines banning posts showing breasts, genital organs, violence, and intimate relations, become a lot more resolute. As such, the decision is perfectly coherent, understandable, and fair, given the universality of the platform. However, its completely corrupted implementation leaves a lot to be desired, and even questions the real legitimacy of these new restrictions.

Censorship of the body and of its attributes – essentially the female ones – is old news… Starting from the end of the Middle Age, work evolves, and capitalistic activities excessively gain in value, leaving the pleasures of the flesh disdained. This shift condemned nature, life, its warmth and its joys, traded for a society in a constant quest for material profitability. With this movement, it is men and women’s freedom that slowly disappears, it is their ability to act trusting their guts, to listen to their body fluttering and to their heartbeats being wiped out – it is a form of self-annihilation that rips apart, piece by piece, the fragments of humanity making them who they are. Then, just like that, a new world was born. And societies kept on following this model until being shaped by it.

And it is in this new world that the female body (mostly) and its charms became objects. It is in this world of businessmen in search of profits that the aesthetics of a patriarchal society was built and ousted everything else.

It is with the birth of this world that the male gaze reign started – that gaze which reduces women to mere body parts. Next, prohibited practices multiplied and hardened again, starting with censoring female nipples on social media while letting men’s be… 

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This reinforcement of posting rules on various networks raises a problematic way deeper than the texts on the surface – the sexualisation of the body itself.

An image as such, showing a part or an entire naked body isn’t suggestive; it is what our eyes were ferociously told to see through the flesh that makes its representations evocative. Thus, the essence of the problem isn’t the body itself, but the sexualisation it endures and that punishes it in its very existence.

This pervert gaze at the human body is worrying. And worse, it is the reflection of a cruel truth that seems to persist – this is a men’s world.

Today, the tiniest bit of skin showed on a photo may be considered as flirtatious by Instagram algorithms, and quickly shadowban an account. Therefore, post reach drops under the 10% threshold. So it’s true it’s not forbidden to post a nude on social media, but many images have to be censored to hide ‘nature’, and post visibility, ruled by simple computer codes, is so insignificant that this constitutes a first form of censorship. In letting an app judge if something is ‘appropriate’ or not, decide what is art and what is pornography, social media leaders limit female shapes and nudity to an extremely private sphere, because – according to them – they are doomed to be sexualised.

Hence, nakedness becomes acceptable only if lines and lines of numbers and symbols have said so. But if it was all so simple and absolute, why have some photographers’ accounts been deactivated, deleted, or limited, after sharing some artistic nudes? Why them when so many accounts that are clearly erotic et reifying women slip through the net and remain unpunished? How is it still possible to receive hordes of messages from men sending pictures of their intimate parts if everything is so meticulously inspected? And how is it possible to leave online nudes of women, dressed in almost nothing and blatantly suggestive, while a photo showing a naked back or a stomach wearing makeup is automatically censored? Why these passes?

Why some and not others? Because, very often, these other profiles have millions of followers who make way too much money for Instagram & Co. to risk incur their wrath in removing them. 

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And censorship doesn’t stop to social media. Internet is packed with platforms where women and the human body in general is sexualised and reified… How is the difference between pornography and artistic photography still not made? Why does the western world keep on authorising and sharing an objectified image of the body while at the same time censoring another that’s most definitely creative?

All these forms of prohibitions limit artistic expressions of nudity immensely and make way for the supremacy of pornography leaders and the massive broadcasting of codified bodies and of a normative sexuality, presenting only one image of femininity to say what’s attractive and what’s not.  

Sadly, the consequences of this model do not only affect social networks but society at its core. The sexualisation and censorship of the female body, may it be online or offline, feeds the way communities work, gives power to the pervert gaze instilled by patriarchy, and even softens the traits of certain crimes pushing victims into the background, silencing them, and saving more than one of their perpetrators.

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In today’s world tainted by censorship, it is essential and very precious to get back to the most important things, to find our essence again, to reconnect with our body, to knock down the norms keeping it prisoner, and to purify intimate relations. It is indispensable to ban all injunctions dictating that only the bodies fitting the standards of the established aesthetics are allowed to exist with all their flesh – to be desired, to shiver and to have their skin and heart twinkle.

After having spent years hating my body, blaming it for all the abuses inflicted upon it, I started using photography as a remedy. To accept myself as I was, to celebrate my body, to free myself from all the wrongs I suffered from. And very quickly, my camera became my emancipation and liberation tool – from my past and its weight. Thanks to this little case, I capture and rediscover the lines, the curves, the skin, I tame with my breasts and the nest of my intimacy again. And I fight too… I fight against all the diktats that still weigh down on me all day and everyday – beauty and conformity edicts, and so-called good manners.

Back in his time, Victor Hugo wrote, “everything on earth is defiance: nudity is, yes, the voluptuous boldness of the woman audaciously daring to be a goddess”. And this bravery is necessary for the world, but above all for the self. To get free from fake rules and find ourselves again in our own existence, in our incarnate nature. Today the naked body is associated with shame, prudishness, or desire – as if pornography’s normalisation had made inappropriate natural nakedness. Henceforth it is no surprise to see all this uneasiness expressing itself or staying silent…

Now, to move forward, one needs to start over. To relearn. To rediscover. To undress oneself, as if it was the first time, and reconcile with what is. To feel the body in its entirety and everything it senses, welcome its vulnerability and sensitivity. And to connect with all its surroundings – the air brushing past, the water flowing and running down the skin, the sun burning, and the encounters touching the soul… To open oneself to those and to unite with another.

It is obvious and yet the fact is not always expressed – the relation with one’s body is inherently linked to one’s intimacy and sexuality.

How to give in to oneself lightly and to the other with trust if the soul and the body are dissociated, if the skin is a discomfort, and if the heart mistreats itself? How to let life quiver through the flesh? How to give all emotions a chance to speak each time one glimmers? How to consent to let oneself be consumed by the flames of lust and desire if anxiety holds us back? How to get over these norms that fall to us to reconnect with ourselves and unite with another in a moment that’s beyond everything else? How to fully wonder at the living’s magic? In short, how to open oneself to intimacy in a world wasted by the hyper-sexualisation of bodies?

*

To move forward, to heal my wounds, I started to take self-portraits. To make myself the subject of my pictures. I started everything again. Rediscovered everything. Began from scratch. I entered within myself, almost despite myself, and I let myself be alone with my inner fights. I gave battles, lost some but won so many more. And image after image, I find my body again, reclaim it – its lines, its curves, all its shapes, its peculiarities, and its authenticity. And I let it merge with my existence, and my presence anywhere and at any time… I also learn about my intimacy, and how to appease it. How to restore the bound, take back the power, and become desirable again – for myself first. How to fight against the mainstream image of reified women, feeding beauty politics and the financial windfall that imposes to shave, wear makeup, get thinner or bigger. I learn to accept myself and give myself time. To heal and set off again with a valiant heart, a protected soul, and a body I have learnt to love one more time.

Through self-portraiture, I seize my embodied flesh. Not to seduce, arouse, provoke, or out of pure narcissism as some may think. But to finally take care of myself. To retake possession of a body that was abused in the past. To free myself from beauty standards, and the taboo about the body and sexuality. And to decide at last what I show, to whom, when and how. I grew up surrounded by men, who – ever since I was a little girl – used to lay down their law about what was acceptable to display, to say and to do – both as a girl and as a woman. And one day, not so far from today, I freed myself from their authority to finally establish what was acceptable for me and set up my own rules. Photography allows me to erase the limits and the codes imposed by society. To praise the female gaze, which is not the opposite of the male gaze, but one that ultimately unveils all the beauty they want to hide, the quivers of life and the amazement at forged links, the moving body, and the return to naturality. To create images where the body isn’t an object anymore but a subject to celebrate. Photography allows me to capture the incarnate skin and intimacy. To immortalise the moments burning for existence, and all the claims for life and freedom.



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